La médecine n’est pas qu’une science (voire un art, pour certains !) ni seulement un métier (d’aucuns parlent même de sacerdoce !) ; c’est aussi une activité, exercée par des professionnels qui passent leur temps de travail à réaliser des actes, pour lesquels ils sont rémunérés.
Les médecins réalisent quotidiennement, pour leurs patients, de nombreux actes. L’ensemble de ceux-ci représente leur activité clinique.
Les médecins libéraux sont rémunérés à l’acte, contrairement aux médecins hospitaliers, qui sont salariés. Mais les actes sont évidemment les mêmes dans les deux systèmes.
Quant aux établissements de soins, les privés ont toujours été rémunérés à l’activité, via le taux d’occupation des lits d’hospitalisation ; les publics fonctionnaient, jusqu’à une date récente (2007) au « budget global » ; tous sont actuellement soumis à la « tarification à l’activité » (T2A), dont un des buts est d’établir une « convergence » entre le public et le privé.
Actes et activités des professionnels de santé
Il existe, grosso modo, deux types d’actes : l’acte intellectuel réalisé en consultation ou lors d’une visite au domicile du patient, qui consiste à poser un diagnostic et à établir un protocole thérapeutique ; et l’acte technique, au sens large du terme : un examen de laboratoire ou d’imagerie sont des actes techniques, de même qu’une intervention chirurgicale, un soin infirmier, un soin dentaire ou un massage effectué par un kinésithérapeute.
Prescrire un médicament, c’est un acte réalisé par un médecin ; le délivrer, c’est un acte qu’il revient au pharmacien d’effectuer ; et l’administrer, c’est un acte infirmier.
Pour un professionnel de santé, l’activité correspond, quantitativement, au nombre d’actes qu’il effectue dans l’exercice de sa profession : activité dans la norme, ou hors norme (en plus ou en moins). Si ce professionnel est libéral, son revenu dépend directement du volume de son activité.
Mais l’activité peut aussi se comprendre dans un sens qualitatif : on parle, pour un médecin, d’activité clinique, d’activité d’enseignement, ou encore d’activité de recherche. Les médecins exerçant en CHU sont censés exercer ces trois types d’activités.
Codification des actes médicaux et paramédicaux
A chaque acte effectué par un professionnel de santé libéral est attachée une cotation, qui en permet la rémunération, même si la nomenclature prévoit la possibilité d’actes gratuits.
Ces cotations se font selon les indications de la « nomenclature », dite NGAP (Nomenclature générale des actes professionnels) : C, CS, C2 pour les actes de consultation médicale ; V pour la visite d’un médecin au domicile du patient ; AMI pour les actes infirmiers, AMK pour les kinésithérapeutes, etc…
Pour les actes techniques (les actes chirurgicaux), il existe une codification, la CCAM (Classification commune des actes médicaux), qui permet d’attribuer un code précis pour chaque type d’acte technique, diagnostique ou thérapeutique, et donc une rémunération. Ce code comprend quatre lettres et trois chiffes, qui ont une signification précise. Exemple : LMMA012 est le code de la cure de hernie inguinale selon la technique de Lichtenstein, et LMMC002 à la cure de cette même hernie par voie cœlioscopique. On est loin du « Kc 80 » de naguère.
L’activité des laboratoires d’analyses médicales se mesurent en nombre de « B » (actes de biologie) effectués.
Les professionnels de santé hospitaliers sont salariés, et la part fixe de leur rémunération ne dépend pas de leur activité ; en revanche, à cette rémunération fixe s’ajoute la rémunération du travail effectué en garde ou en astreinte, variable en fonction de l’activité réalisée pendant cette période. Cela dit, la cotation des actes médicaux est exactement la même dans le privé et dans le public.
Activité des établissements de santé
L’activité clinique d’un établissement de soins, public (hôpital) ou privé (clinique) est colligée par une entité spécifique que l’on appelle le DIM (Département de l’information médicale). Il a à sa tête un médecin dont c’est la fonction, le médecin DIM, assisté de techniciens, les TIM. Le médecin DIM est devenu, depuis l’instauration de la tarification à l’activité (T2A), une pièce maîtresse des finances d’un établissement de soins.
Les données ainsi collectées s’inscrivent dans le PMSI (Programme médicalisé des systèmes d’information), qui permet de faire des comparaisons d’activité et de ressources entre établissements.
Pour effectuer ce travail, le DIM dispose de plusieurs outils : la CIM, la CCAM, la NGAP.
La Classification internationale des maladies (CIM), publiée par l’OMS (organisation mondiale de la santé) est utilisée dans le monde entier pour enregistrer les causes de morbidité et de mortalité. Elle permet de savoir quelle a été la motivation médicale d’un séjour en établissement de santé (le diagnostic principal), et les comorbidités rencontrées (les diagnostics associés). La version la plus récente est la CIM 10. La version CIM 11 est attendue pour 2018.
Depuis une loi de 2004, les actes pris en charge par l’Assurance Maladie doivent être inscrits sur la liste des actes et prestations, qui comprend deux parties : la CCAM (Classification commune des actes médicaux, cf. supra), et la NGAP (Nomenclature générale des actes professionnels, cf. supra), qui reste en vigueur pour les actes cliniques médicaux, et les actes des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux.
Tarification à l’activité (T2A)
La tarification à l’activité, affectueusement appelée « T2A », a été mise en place par la réforme hospitalière de 2007.
Avant elle, les cliniques privées étaient rémunérées en fonction du taux d’occupation de leurs lits d’hospitalisation, ce qui n’était pas un critère très performant d’évaluation de l’activité, notamment par le frein au développement de l’hospitalisation ambulatoire que cette notion impliquait. Comme la T2A correspondait à la culture libérale en vigueur dans le privé, les cliniques n’ont eu aucune difficulté à s’y mettre.
Les hôpitaux publics étaient gérés selon le système du budget global, particulièrement peu vertueux dans ses effets. En effet, la reconduction du même budget d’une année sur l’autre incitait les hôpitaux en sous-activité à dilapider en fin d’année les sommes non utilisées, en particulier en campagnes de communication aussi inutiles que dispendieuses, pour pouvoir bénéficier du même budget l’année suivante. Quant aux hôpitaux ou aux services en activité croissante, ils devaient le faire à budget constant, ce qui était un exercice très difficile à réaliser. C’est ainsi qu’un chirurgien hospitalier que je connaissais bien s’est trouvé convoqué par son directeur, qui lui a dit en substance : « Docteur, votre excellente réputation vous apporte une énorme activité ; je ne peux malheureusement pas vous en féliciter, car celle-ci nous coûte trop cher, et nous n’allons pas pouvoir vous garder » !!! Cette anecdote est absolument authentique. Le chirurgien en question doit sûrement faire actuellement le bonheur du directeur de l’hôpital auquel il est allé proposer ses services.
Il faut bien le dire, les hôpitaux ont eu du mal à se mettre à la T2A, pour des raisons culturelles. En effet, pour beaucoup d’hospitaliers, cette tarification à l’activité évoque un mot absolument tabou dans la fonction publique (pas seulement hospitalière), l’innommable rentabilité, réservée au secteur privé. En contrepartie, quand une clinique privée est en déficit, elle disparaît purement et simplement du paysage : rançon de la rentabilité !
Certes, l’hôpital public n’a pas vocation à être rentable. Cependant, une meilleure efficience (travailler mieux en maîtrisant les coûts) ne pourrait pas nuire à notre système de santé.
Et puis, il faut bien le reconnaître, les hôpitaux publics regorgent de praticiens en sous-activité, du fait de compétences parfois insuffisantes, qui ne pourraient tout simplement pas gagner leur vie en clinique avec cette faible activité. Du coup, celle-ci pénalise la structure dans laquelle ils exercent, ce qui, habituellement, ne les émeut pas plus que cela, puisqu’il n’y a pas d’incidence sur leur rémunération.
Tout ceci explique largement que la plupart des hôpitaux français soient en déficit chronique, et obligés d’appliquer un plan de retour à l’équilibre (PRE) quand ce déficit dépasse 3%. Cela ne vous rappelle-t-il pas le dérapage chronique du budget de la France au-delà des fatidiques 3% autorisés par l’Union Européenne ?
Article publié le 30 mars 2015